Les feux de Shôhei Ôoka

Les feux de Shôhei Ôoka
Les feux de Shôhei Ôoka

 

Ce roman traite du sort des soldats japonais pendant la seconde guerre mondiale, abandonnés sur une île des Philippines après la bataille de Leyte fin 1944. Ces soldats se retrouvent sans perspectives de renforts et sans aide du commandement impérial. Certains de ces hommes seront contraints au cannibalisme (anthropophagie plutôt) pour survivre.

On trouve un aspect historique à ce roman ( dont une part est autobiographique) concernant les horreurs de la guerre, mais aussi une dimension morale, humaniste d’un homme qui affronte la folie et la barbarie

Aspect historique : Le déroulement se situe pendant la guerre du Pacifique, après la défaite de Leyte, dans les Philippines,  (dura du 17 octobre 1944 au 31 décembre 1944 ) la chute des forces impériales japonaises. Nous sommes en plein dans la déroute des forces japonaises. Sans aucun secours médical, support logistique, et sous un commandement qui cherche surtout à garder en vie les hommes encore valides (« On n’a pas de quoi nourrir les bouches inutiles. Retourne à l’hôpital. S’ils ne te laissent pas entrer (…) Et s’ils s’entêtent à ne pas vouloir de toi… Alors, crève ! C’est le dernier service que tu peux rendre à la nation » ). Ils cherchent alors à regagner Palompon pour se regrouper et se faire rapatrier. Mais la route est coupée par les forces Américaines. Devant faire face également aux Philippins (qui ont soif de vengeance face aux exactions commises contre les populations), ils se cachent pour survivre.  Ils vont alors en venir aux pires extrémités, des actes horribles afin de survivre. 

Aspect humain et psychologique :

Le narrateur se nomme Tamura, c’est un soldat de première classe, intellectuel dans le civil. Son récit sera celui de la tragédie des soldats en déroute, isolé dans la jungle.

On suit alors Tamara qui effectue une plongée vertigineuse dans la folie et dans les tréfonds de l’âme humaine. Le déclencheur est la rumeur des soldats de Guadalcanal qui ont mangé de la chair humaine, cela déclenche la curiosité de Tamara : est-ce la réalité ? Son subconscient combat cette idée.  Après le meurtre de la jeune philippine, qui peut être considéré comme un crime de guerre, il s’enfonce dans la culpabilité cachant son acte, se sentant observé par l’âme errante de la victime. Est-il effectivement un élu ayant le pouvoir de vie ou de mort ? 

Isolé, pas complètement car il y a dieu et/ou sa conscience qui sont présents d’abord sous la forme d’un croix surplombant la plaine, d’une église dont les marches sont remplis de cadavres. Puis un fou sur le point de mourir lui offre la faveur de manger son bras amaigri – « faveur qui agissait comme un interdit sur son estomac affamé », puis l’image de ce bras « Il me rappela le bras tendu de Jésus crucifié que j’avais vu dans le village au bord de la mer ». Dans cannibalisme on distingue un geste de désir naturel ou pas ? Un acte de communion « Ce­lui qui mange Ma chair et boit mon sang demeure en Moi et Moi en lui. ». Il ne pourra manger le bras du fou, mais par contre sans trouver de culpabilité boira le sang des sangsues et arrivera à manger du singe et de sa chair blessé. Il restera une part d’inconnue ayant perdu partiellement sa mémoire…Dans l’exergue du roman  une citation « Quand je marche dans la vallée de l’ombre de la mort »  Le psaume 23:4 de david …. dont la fin n’est pas écrite « mais  je ne crains aucun mal, car tu es avec moi » . 

 

Une adaptation cinématographique a été effectuée « Fires on the Plain »/ « Feux dans la plaine »  de Ichikawa Kon (1959). Une autre version est présente à la biennale de Venise 2014 sous le même titre Nobi (Fires on the Plain), version couleur et surement plus sanglante que celle de Kon Ichikawa. Cette dernière version est réalisée par Shinya TSUKAMOTO (qui a réalisé Tetsuo, Tokyo fist) , les acteurs principaux sont Shinya Tsukamoto, Yūsaku Mori, Yūko Nakamura, Tatsuya Nakamura, Lily Franky

Fires on the Plain
Fires on the Plain

J’avais déjà rencontré des récits sur les horreurs de la guerre sur l’île de Leyte pendant la guerre des Philippines dans le roman Les pierres de Hiraku Okuizumi, qui traitait également de la folie d’un homme. Un autre roman sur l’anthropophagie est l’ancêtre ( que je recommande également ).  

Pour finir « Les feux » sont pour moi une oeuvre admirable, un récit sur le mal à l’état brut, l’homme face à des extrémités inhumaines  pour survivre le menant à la folie.  Une lecture éprouvante …. 

Extraits :

  • Quelque chose d’inexprimable me poursuivait. Il était évident que là où j’allais il n’y avait rien d’autre que le désastre et la mort, mais une sombre curiosité me poussait peut-être à explorer ma solitude et mon désespoir jusqu’à l’instant de mon dernier souffle, jusqu’à ce que la mort vienne y mettre fin dans un coin inconnu de la campagne tropicale.
  • « Je reçus une gifle. Le lieutenant me dit, très vite, à peu près ceci :
    – Imbécile ! On te dit de revenir, et toi tu reviens, comme ça, sans rien dire. Il fallait insister, dire que tu ne savais pas où aller. Alors ils t’auraient accepté à l’hôpital. Ici, nous n’avons pas les moyens de nourrir un tuberculeux comme toi.
     » p5
  • Et si à ce moment-là la colère était capable de me faire vomir, c’était que je n’étais plus un homme. J’étais un envoyé du ciel. Je devais exécuter la colère de Dieu p185 

A propos de Shôhei Ôoka

Oka Shôhei: 1909-1988, études de littérature française à l’université de Kyôto,  En 1944, il est mobilisé et envoyé aux Philippines comme chiffreur. Ses romans sont marqués par l’épreuve de la guerre et de la captivité.

Divers :

  • Nobi (Les Feux, 1951)
  • Editions Autrement, 1995
  • Traduction :Rose-Marie Makino-Fayolle
  • Note : ***** (5/5)

 

4 réflexions sur « Les feux de Shôhei Ôoka »

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