L’ombre des fleurs de Ôoka Shôhei

L'ombre des fleurs de Ôoka Shôhei
L’ombre des fleurs de Ôoka Shôhei

 

L’ombre des fleurs nous brosse le portrait d’une femme dans Ginza d’après-guerre. Yôko est entraineuse dans les bars.  D’amant en protecteur, elle peine à trouver sa place, son équilibre. Les années ont passé et la quarantaine approche, un âge déjà bien avancé pour travailler dans les bars. Elle tente d’oublier en étant ivre presque tous les soirs. Elle tentera bien de vivre dans un petit appartement payé par un professeur, mais il retournera bien vite vers sa femme et sa fille malade. Un autre jeune premier profitera d’une femme expérimentée un temps, puis un ancien client directeur d’usine, qu’elle n’a pas vu depuis 20 ans lui fera miroiter un travail dans une charmante auberge …

Amasser de l’argent ou se marier avec un riche mari protecteur est l’ambition de toutes ces femmes. Mais Yôko se refuse aux compromis, puis l’âge et l’alcool la rongent. Les bars de Ginza accélèrent ce processus de vieillissement. Elle n’arrive pas à se décider : se marier, se faire offrir un bar ? 

L’ombre des fleurs est aussi le portrait de femmes dans le Japon des années 1950:

Yôko a connu beaucoup de succès auprès des hommes, femme entretenue, elle parait plutôt désintéressée, Altruiste et souvent un  simple rouage des manipulations de Jun. Elle est attachée à Takashima, et ne veut pas l’abandonner malgré qu’il ait perdu richesse, jeunesse, elle lui voue une dévotion à sens unique. Alcoolique pour supporter ce quotidien sordide et se trouve contraint d’entretenir ses amants. Takashima vient la voir pour régler ces dettes de jeu, puis manger. Elle se révolte quelquefois, contre Shimizu qui apparaît comme un voleur. Si elle veut réussir quelque chose : c’est son suicide qu’elle prépare avec un soin particulier. Elle ne prendra pas conseil auprès d’elle pour une fois.  

Jenku attiré par l’argent et la richesse qui manoeuvre sans vergogne Yôko et Takashima à sa convenance, mais qui reste malgré tout assez malheureuse. Elle comprend les changements qui ont lieu dans Ginza et les utilisent à son avantage. Malade elle n’arrive pas à décrocher, peur de dépenser son argent pour des soins, et de vivre loin de ses bars, ou elle n’a que peu de confiance dans les gens qui l’entourent.  

Mais également un portrait des hommes sans scrupule, profiteur; égoïste. Lâche malgré des paroles mielleuses, qui vont prendre « elle commençait à comprendre qu’un homme a beau verser des larmes et se prosterner sur les tatamis, quand il arrivait à ses fins, la femme, elle, se retrouvait seule avec ses sentiments » , « Matsuzaki regardait la pente désespérément vide. Yôko fût-elle une fleur éphémère, à défaut de la cueillir, il lui suffirait d’avoir foulé son ombre, songea-t-il. »

Un roman poignant qui nous entraîne à Ginza, partagé le quotidien des femmes dans l’après-guerre. Un portrait touchant plein de sensibilités et emprunt de fatalisme de cette femme éphémère Yôko. On retrouve comme dans les feux, une superbe écriture et des portraits psychologiques très dense.

Extraits :

  • Les femmes peuvent être redoutables.
  • Mais maintenant qu’ils avaient disparu de sa vie, les uns après les autres, elle commençait à comprendre qu’un homme a beau verser des larmes et se prosterner sur les tatamis, quand il arrivait à ses fins, la femme, elle, se retrouvait seule avec ses sentiments
  • Sa vie, dévorée par l’alcool et les hommes, se confondait en vérité avec la mort ; et l’on pouvait dire qu’aujourd’hui elle avait déjà cessé de vivre
  • Dans sa chambre, elle commença aussitôt à dénouer son obi. Quand, assise, jambes allongées pour retirer ses tabi, elle leva les yeux vers le miroir, elle y vit Shimizu, toujours vêtu de son manteau, s’avancer vers elle. Il l’étreignit par-derrière, et ensuite, les choses suivirent leur cours ordinaire p77  
  • Des hommes comme Shimizu, il y en avait à s’y perdre. Coucher une fois avec eux sous l’effet de l’alcool ne suffisait pas pour en garder un souvenir bien déterminé p100
  • C’était le vide qui croupissait dans le coeur d’une femme, ballottée à Tôkyô durant vingt ans dans les vagues de la société de consommation, changeant de partenaires comme de vulgaires vêtements. Avait-elle réellement vécu jusqu’à présent ? On pouvait en douter. Et maintenant, était-elle vivante ? Ce n’était guère plus sûr. sa vie, dévorée par l’alcool et les hommes, se confondait en vérité avec la mort; et l’on pouvait dire qu’aujourd’hui elle avait déjà cessé de vivre p130  
  • Sa tendance à répéter ces stéréotypes montrait en définitive qu’elle n’était pas blasée. Elle voulait satisfaire tout le monde et, à chaque fois, se retrouvait perdante p135

Personnages :

  • Yôko Adachi (Yô) : Personnage principal, hôtesse de boîte de nuit, ancienne entraineuse à Ginza
  • Matsuzaki Katsuya : Amant de Yôko, père de Tsuyuko. Enseigne l’histoire de l’art occidental dans plusieurs universités.
  • Ikuko : femme de Matsuzaki 
  • Tsuyuko : fille de Matsuzaki, une dizaine d’année
  • Sakai Shirô : ancien amant de Yôko, romancier
  • Tetsu belle-mère de Yôko
  • Kôkichi : cousin de Yôko
  • Takashima Kenzô : Antiquaire reconnu, Directeur d’une usine métallurgique. Aide de Yôko, Démuni, il profitera des largesses de Yôko pour manger et payer ses dettes de jeu.  
  • Junko Toda (Jun) : Maîtresse de Takashima, possède des bars ‘Clara’, ‘Libellule’. C’est une femme d’affaire à forte personnalité.
  • Kanuki Ayako : Nouvelle patronne dans le bar Libellule. Décrite comme plantureuse et non sentimentale
  • Kadota : barman au bar la Libellule
  • Hatake Kôsuke : Client de la Libellule, a des vues sur Yôko
  • Matsuko : fille  adoptive de Hatake (Premier mariage de sa femme) 
  • Shimizu Fumio; ex-amant de Ayako, producteur de télévision. Dix ans plus jeune que Yôko
  • Nogato Itsurô : directeur de filature, la cinquantaine, ami de Takashima. Ancien amant de Yô

 

Divers :

  • Titre original Kaei, 花影 , 1958
  • Titre US : The Shade of Blossoms
  • Prix Shichosha en 1961
  • Edition Picquier, 1995 N° 28
  • Traduction Anne bayard-Sakai
  • Note : ***** (4,5/5)

 

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