Mariage contre nature de Motoya Yukiko

Mariage contre nature de Motoya Yukiko

Depuis qu’elle a quitté son boulot pour se marier, San s’ennuie un peu à la maison. Surtout que son mari, à peine rentré le soir, joue les plantes vertes devant la télévision. Parfois San se demande si elle ne partagerait pas la vie d’un nouveau spécimen d’être humain.

Un jour, j’ai remarqué que nos visages, à mon mari et moi, se ressemblaient comme deux gouttes d’eau.

Vie de couple et interrogations, désillusions dans cette union. San profite de la position de son mari et de son aisance financière pour arrêter de travailler et devenir femme au foyer. Mais les années passent et le couple s’use. Le mari reste devant la télévision, puis délaisse la télé pour jouer à des jeux sur son ipad.

Peu après notre mariage, il m’avait fait m’asseoir, j’ai à te parler, et, le dos bien droit, il m’avait annoncé :
« San, je suis le genre d’homme qui regarde la télévision trois heures par jour. »

L’image du mari se transforme dans les yeux de l’épouse, San semble remarquer que leur couple subit un mimétisme. Il a un comportement désagréable à certains moments (histoire du crachat). Puis le mari de San semble prendre sa place : il se met à cuisiner des fritures, s’occuper des tâches ménagères.

Sa voix sonnait à mes oreilles à la fois comme celle de mon mari et comme celle d’un parfait inconnu ; j’ai machinalement repris une gorgée de bière soudain insipide.

Le couple se transforme, est-ce San ou est ce ce qui l’entoure   Modification de la personnalité, de la perception ? Est ce l ‘histoire d’un couple qui se laisse aller, dont la communication se dissout dans le temps. il semble que cela soit pratique de rester ensemble pour eux. Pas de complications, disputes, un train-train quotidien que l’on subit. Peut-être que cette habitude mène à un mimétisme entre les deux partenaires. On trouve quelques pistes pour se différencier, et garder une distance à l’autre : les galets pour la distanciation, jusqu’au chat pour l’abandon.

Nous entrons dans un monde des apparences : celui du mariage. Mais aussi celui de l’équilibre des deux partenaires, la métaphore du serpent révèle cette crise du couple :

Mon époux devenu serpent a ouvert la bouche pour m’avaler la tête la première et moi, dans son estomac, j’ai tenté de toutes mes forces de me débattre, mais l’intérieur de son corps, tout révoltant qu’il était, s’est peu à peu transformé en un doux séjour. Je me suis rendu compte que c’était de mon propre gré, avec empressement, que je lui offrais mon corps à manger. Il s’en repaissait avec un tel délice que la saveur s’en propageait jusqu’à moi, j’avais l’impression de goûter à moi-même.

Roman étrange,  insolite à la limite du dérangeant. Nous sommes face à un chat incontinent, un mari qui abandonne ses fonctions, une épouse désoeuvrée. Le malaise à cette lecture, pour moi.  Je ne sais pas exactement si je suis dans un roman onirique à limite du fantastique, ou un roman qui mélanges les désirs, craintes de San  et les interactions qu’elle a avec son milieu et avec les autres.

Je venais de lire Comment apprendre à s’aimer de cette auteure, aussi j’ai replongé dans son univers. On retrouve une écriture poétique et douce mais qui reste déroutante dans sa thématique. Un roman déstabilisant que je vous conseille.

Extraits :

  • Les hommes pénétraient profondément en moi, de la même façon que les nutriments du terreau imprègnent les racines. A chaque nouvelle rencontre, j’étais comme transplantée, je changeais de terreau. La preuve en est que je n’avais presque aucun souvenir des jours passés avec les hommes que j’avais fréquentés autrefois. Ce qui était étrange, c’est que mes partenaires cherchaient tous à me servir de terreau. Et cela finissait toujours de la même façon, je sentais mes racines menacées de pourriture à cause du terreau et je me dépêchais de briser le pot pour m’en extirper de force.
    Le terreau était-il mauvais, ou était-ce les racines qui posaient problème ? Les hommes pénétraient profondément en moi, de la même façon que les nutriments du terreau imprègnent les racines. A chaque nouvelle rencontre, j’étais comme transplantée, je changeais de terreau. La preuve en est que je n’avais presque aucun souvenir des jours passés avec les hommes que j’avais fréquentés autrefois. Ce qui était étrange, c’est que mes partenaires cherchaient tous à me servir de terreau. Et cela finissait toujours de la même façon, je sentais mes racines menacées de pourriture à cause du terreau et je me dépêchais de briser le pot pour m’en extirper de force.
    Le terreau était-il mauvais, ou était-ce les racines qui posaient problème ?

Divers:

  • Titre original : Irui kon’in tan
  • 2016 prix Akutagawa, ‘le Goncourt japonais’.
  • Traduction du Japonais par Myriam Dartois-Ako
  • Edition Picquier, 2017

8 réflexions sur « Mariage contre nature de Motoya Yukiko »

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