Petits oiseaux de Yôko Ogawa

Petits oiseaux de Yoko Ogaw
Petits oiseaux de Yoko Ogawa

 

Un roman bien étrange que nous livre Ogawa, car c’est les yeux fermés que je me suis précipité sur ce dernier roman. Le thème est l’histoire de  deux frères, semblant vivre dans leur ‘bulle’ hors du monde ou à côté de la réalité. L’aîné ne communique qu’en langage pawpaw ( le langage des oiseaux), son seul centre d’intérêt est de regarder, écouter les oiseaux. Son frère, le cadet est le seul qui arrive à la comprendre, tout en n’ayant pas la dextérité de son frère pour parler le pawpaw. Il va jouer le rôle de traducteur entre l’aîné et le monde qui l’entoure. 

La vie des deux frères suit une route parallèle, jusqu’à l’envol de l’aîné ( son décès devant la volière). Le cadet qui jusqu’à alors avait renoncé à vivre pour lui même, il est le seul à travailler, se sacrifie pour son frère (travail, temps, voyages) prend alors son envol dans la vie. En fait, il se créera d’autres rituels : la roseraie, la bibliothèque. Il rencontre du monde une bibliothécaire (qui va le comprendre en l’observant), un vieil homme dans le jardin. Les premiers pas sont maladroits, on espère une envolée. Il baisse la tête, ne regarde pas les personnes, acquiesce et détourne le regard.  Un mimétisme et une vie au service d’un frère l’enferme dans son monde. Il se prendra d’amitié pour un oiseau à lunette blessé un zostérops.

On retrouve l’univers d’ Ogawa, tous les petits détails de la vie de tous les jours, le sandwich au pain de mie quotidien, le bocal à sucettes du mercredi, écouter la radio, la volière. Des petits détails qui à la longue vont laisser des traces  tel la marque du grand frère sur le grillage de la volière.Ccette vie des deux frères s’installe dans un acte routinier, le cadet essayant de ne pas perturber son frère par des évènements perturbateurs. Ils vont transformer leur demeure en nid douillet et protecteur à l’abri du monde étrange qui les entoure.

Egalement un thème qui revient souvent les classements ici dans les livres d’ornithologie des oiseaux, et bien sûr la sensibilité à fleur de peau : une émotion qui nous saisit lors de la lecture : la mort, la dénonciation, la bibliothécaire….Une poésie délicate, un ilot de sérénité à l’écart du bruit du monde, une douceur jusque dans le chant des oiseaux qu’il faudra prendre le temps d’écouter. Un roman tout en douceur, sur la différence, la façon de l’appréhender, l’accepter sans la comprendre.

Mais c’est également un livre qui démarre avec la mort du personnage principal « Lorsque mourut le monsieur aux petits oiseaux, sa dépouille et ses affaires furent contrairement à l’usage promptement débarrassées. Il vivait seul et son corps avait été découvert plusieurs jours après le décès. », un petit gazouilli est entendu, puis chacun retourne à son travail, le brouhaha revint, on n’y pouvait rien ….

Les petits oiseaux nous ouvre à l’univers magique de Ogawa, un roman très particulier sur deux êtres qui se comprennent, dont le silence le regard suffit pour communiquer.  Un roman dont la narration est très lente en comparaison des autres, peut-être un peu moins abordable, mais une magnifique digression.

Extraits :

  • De chaque page tournée coulaient des gouttes d’eau, les caractères tracés par leur père bavaient et s’effaçaient. Non loin, son aîné, la tête levée vers la cime des arbres cherchait des yeux le bruant
  • Après la mort de son frère, la clôture du jardin d’enfants était restée déformée. Son corps avait disparu mais c’était comme si la passion avec laquelle il avait observé les oiseaux n’en finissait pas de s’en aller. Il suffisait au cadet de voir le creux dans la clôture pour que revive distinctement la silhouette de son aîné, main accrochée au grillage, buste incliné, joue collée à la clôture.
  • On ne pouvait que qualifier d’imbécile ce psycholinguiste qui s’en était débarrassé en traitant son langage comme des bruits parasites. Le langage du grand frère se trouvait à l’opposé du désordre.
  • Longtemps avant de s’en occuper, autrefois, il avait entretenu, pendant près de vingt ans, la volière du jardin d’enfants voisin. Personne ne le lui avait demandé, il était entièrement bénévole. C’est ainsi qu’il était devenu le monsieur aux petits oiseaux.
  • — Tous les chants d’oiseaux sont des chants d’amour.
  • Leur mère s’était demandé s’il se pouvait que des gens gentils et timides vivant sur une petite île lointaine non répertoriée sur des cartes géographiques fussent les compagnons de son fils. Elle s’était sentie trahie dans ses espérances. Il était l’unique habitant d’un îlot.
  • Ce test était bien trop simple. Bien sûr l’aîné avait répondu correctement à tout, mais seul le cadet avait su que ses réponses étaient correctes.
  • Il se rappelait ce que son aîné lui avait dit un jour. Des chants d’amour, ces mots romantiques utilisés comme si de rien n’était, avaient intimidé le cadet au point qu’il n’avait pu répondre qu’un vague : “Ah, vraiment…”,
  • La cage n’enferme pas l’oiseau. Elle lui offre la part de liberté qui lui convient

Bruant
Bruant

moineau de java
moineau de java

bulbul
bulbul

Divers :

  • Titre original :ことり, Kotori, 2012
  • Actes Sud/Leméac, 2014
  • Traduction : Rose-Marie Makino-Fayolle
  • ebook 5.9 heures de lecture, 19 minutes par session, 979 pages tournées, 2.8 pages par min env.

3 réflexions sur « Petits oiseaux de Yôko Ogawa »

  1. J’ai hésité avant d’acheter ce livre dont je ne connaissais pas du tout l’auteur. Mais j’ai été agréablement surprise voire conquise, au fil des pages par cette curieuse histoire que raconte Ogawa ; un roman empreint de poésie, de tendresse, de sensibilité, d’amour fraternel mais également un roman singulier, en dehors de la réalité avec ce langage inventé (pawpaw) que parle l’aîné des deux frères. L’attention du cadet pour l’aîné est touchante.Les deux frères se comprennent sans vraiment se parler mais à travers une complicité et une communication émouvantes. Beaucoup de sérénité se dégage de ce livre qui m’a laissée un peu comme dans du coton.

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    1. Plein de sensibilités dans ce commentaire, et pourtant je n’aurais surement pas conseillé ce roman pour faire connaissance avec Ogawa.
      Donc cela va surement être le début d’une grande histoire avec cette auteure
      🙂

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